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23 janvier 2015 5 23 /01 /janvier /2015 10:20

Mercredi 24 novembre 2010: Konya - Kizören (73,8 km)

 

 

 1.-Le-Tekke-de-Mevlana.jpg 

 

Le patron de l’hôtel est vraiment aimable et souriant. Il m’autorise à laisser les sacoches et le vélo, le temps de poursuivre la visite. La ville est très conservatrice. Plusieurs femmes sont voilées de la tête au pied. Je retourne à la mosquée Alâaddin, afin de découvrir les mausolées seldjoukides dans la cour. Les portes étaient fermées hier soir ! Puis, je me rends au tekke de Mevlana, ancien couvent des derviches tourneurs. Le splendide édifice possède une tour recouverte de céramique verte. Il est entouré d’un jardin agrémenté de fleurs et d’arbustes. J’y accède sans le savoir par la sortie. Du coup, je ne paye pas l’entrée ! A l’intérieur, plusieurs tombeaux sont recouverts de tapis, avec un turban par-dessus. Celui du poète vénéré est merveilleusement décoré de faïences et de calligraphies. Des livres anciens, des tapis de prière et des vêtements sont également exposés dans une autre salle. Les photos sont malheureusement interdites ! Je retourne à l’hôtel, en flânant dans le bazar de la ville. Il est cependant beaucoup moins peuplé et achalandé que celui d’Istanbul. A proximité, la mosquée Aziziye Cami possède deux étranges minarets en forme de lanternes. Je charge ensuite le vélo, pour quitter Konya en direction d’Aksaray. Le temps est assez variable. Parfois, le soleil arrive à percer l’épaisse couche nuageuse grise. La route traverse des steppes à perte de vue, à une altitude moyenne de 1000 mètres. Elle reste relativement plate jusqu’au petit massif montagneux Obruk Yaylasi. Le vent souffle terriblement. Et pour une fois, il me pousse vers l’avant ! Je pique-nique à côté d’un bâtiment en ruines, à l’écart de la nationale peu fréquentée. Quelques loukoums pour caler l’estomac, et c’est reparti ! Je grimpe ainsi la côte assez facilement. Au sommet, le paysage est bien joli. Les montagnes arides s’écartent pour laisser place à une vaste plaine. Certains trouveraient cela banal, mais moi, ça me plaît bien ! Seuls quelques bergers et leurs troupeaux de moutons semblent peupler la région. Les rares villages fantômes sont complètement déserts. J’ai d’ailleurs bien du mal à me réapprovisionner pour le repas du soir. Juste une minuscule épicerie à Kizören... et pas de bière ! Snif ! A la sortie du village, j’installe le campement en bordure d’un champ, juste derrière une inespérée plantation d’arbres. Aussi, il fait largement moins froid que les nuits précédentes.

 2.-Mon-velo-dans-la-steppe-anatolienne.jpg 

 

Jeudi 25 novembre : Kizören - Aksaray (94 km)

 1. Menderes le vendeur de tapis

 

 

Le vent n’a pas arrêté de souffler toute la nuit. Fort heureusement, il n’a pas changé de direction. Aujourd’hui, le temps est bien maussade. Les nuages gris assombrissent considérablement le paysage. La route traverse des steppes et des prairies complètement plates. J’arrive ainsi à Sultanhani très rapidement. La petite ville possède un joli caravansérail, renfermant une petite mosquée dans sa cour intérieure. Ces larges édifices étaient bâtis tous les 30 km sur les routes de la soie, qui reliaient l’Occident à la Chine. En fait, une journée de marche pour les caravanes ! Ils abritaient hommes et bêtes avec leurs précieuses marchandises contre les pillards. Devant la porte d’entrée, quelques Japonais me tirent en photo avec ma monture. Je vais finir par devenir célèbre dans le monde entier ! Je discute longuement avec un villageois parlant français. Menderes m’invite même à boire un çay (le fameux thé) dans sa boutique. Puis, il m’explique la différence de qualité des tapis anatoliens. Un petit, avec de fins motifs, me plaît beaucoup. Son prix, un peu moins, 200 euros ! Le poids et l’encombrement sur le vélo, plus la crainte de me faire arnaquer, me font renoncer. Cependant, c’était un réel plaisir de parler avec ce sympathique homme. Il m’aiguille vers un petit restaurant local qui sert des pide.Cela ressemble à des tartes flambées très allongées, garnies de viande. Après ce délicieux repas, je poursuis mon monotone itinéraire durant une quarantaine de kilomètres jusque Aksaray. A l’approche de la ville, de hautes montagnes se dessinent à l’horizon. Au loin, le sommet du volcan Hasan Dagi, culminant à plus de 3200 mètres, est complètement enneigé. Une nouvelle fois, je dois faire plusieurs commerces pour trouver les quelques aliments qui composeront mon maigre souper. Cela devient agaçant ! Puis, je me trompe de direction malgré les indications. Encore plus agaçant ! Du coup, j’ai perdu énormément de temps. Remis sur les bons rails, je quitte Aksaray en grimpant une côte bien pentue. Dur, dur en cette fin de journée ! Au sommet, je plante la tente parmi quelques sapins. Le vent souffle encore et encore !

 2. Le caravansérail de Sultanhani 

 

Vendredi 26 novembre : Aksaray - Göreme (82,1 km)

 1. La steppe avant la Cappadoce 

 

Le vent a ramené les nuages gris et la pluie. Le terrain est devenu complètement humide. Tant et si bien que pendant la descente vers la route bitumée, mes roues finissent par coincer à cause de la boue accumulée. Ce qui m’oblige à décrotter plusieurs fois les pneus. La journée commence bien ! Je poursuis mon chemin jusqu’au caravansérail d’Agzikarahan, un peu à l’écart de la nationale. De nombreuses maisons en pierres du village sont en ruines. L’édifice est par contre assez bien conservé. Il est cependant beaucoup plus petit que celui de Sultanhani. A l'entrée, le gardien du site m’offre gentiment le thé à l’abri du mauvais temps. Lorsque je quitte les lieux, la pluie cesse enfin. Puis, la route n’arrête pas de monter et descendre dans les collines, pour finalement atteindre un petit plateau situé à 1300 mètres d’altitude. La steppe environnante est parsemée de nombreux gros rochers. Le soleil fait enfin son apparition à l’approche d’Acigöl. Je profite de ces quelques rayons pour faire sécher la tente, et pique-niquer à la sortie du village. Après plusieurs kilomètres, je dévale les 250 mètres de dénivelé jusque Nevsehir. Dominée par une citadelle seldjoukide, la ville ne présente guère d’intérêt. C'est pourquoi je traverse le centre rapidement, et prends la direction de Göreme. Sur le parcours, le village d’Uchisar est dominé par un gigantesque piton rocheux, criblé de centaines de cavités. Je réserve cependant la visite pour plus tard, car le soleil diffuse les derniers rayons de la journée. Dans la descente, la forteresse naturelle domine de splendides aiguilles rocheuses aux étranges silhouettes. Là, je suis vraiment en Cappadoce ! Le village de Göreme est archi-touristique. De nombreux hôtels proposent des chambres creusées dans les falaises. Je décide cependant de passer les prochaines nuits dans un dortoir de la pension Flintstones. Le tarif est beaucoup plus abordable pour ma bourse ! En plus, je ne risque pas d’être dérangé par les ronflements, car je suis seul dans le bâtiment ! Je pars ensuite en ville pour manger des pide dans une petite échoppe.

 

 2.-La-forteresse-naturelle-d-Uchisar.jpg

 

Samedi 27 novembre : Visite de la Cappadoce (32 km)

 1.-Les-eperons-rocheux-a-Goreme.jpg 

 

Après un copieux déjeuner, je remonte sur le vélo pour visiter la région de la Cappadoce. Bien sûr, les sacoches restent à la pension ! Je me rends tout d’abord au musée en plein air de Göreme. Il renferme plusieurs églises rupestres creusées dans la roche. Certaines conservent de magnifiques fresques peintes sur les murs et les plafonds. Tandis que d’autres sont fermées à cause des dégradations causées par le temps. Sous le soleil matinal, le lieu est vraiment merveilleux. La vallée est parsemée d’aiguilles rocheuses percées de nombreuses cavités. La sérénité du lieu est cependant perturbée par l’affluence constante des touristes en voyage organisé. Tout le monde se précipite pour entrer dans les sanctuaires. Et cela devient vite pénible ! Plus loin, la vieille ville de Cavusin est édifiée dans une large falaise. Un pan complet s’est écroulé, laissant apparaître les habitations dans la roche. Je grimpe à pied jusqu’au sommet pour découvrir une petite église incrustée du 6ème S. Les fresques sont malheureusement bien abîmées. Les murs sont également couverts de graffitis. Il y a vraiment des imbéciles partout ! Je rejoins ensuite l’église du Grand Pigeonnier, à l’autre extrémité du village. Les splendides fresques religieuses sont en bien meilleur état. Puis, je poursuis mon parcours à vélo dans la vallée du Pacha. De nombreuses colonnes sont surmontées d’une grosse pierre qui semble en équilibre. Certaines "cheminées de fées" ont été creusées par les moines pour se réfugier. Vraiment impressionnant ! Malheureusement, une épaisse couche nuageuse empêche le soleil d’éclairer le site. Malgré l’heure avancée, je décide de rallier Zelve à quelques kilomètres. La ville troglodytique est répartie dans trois petites vallées encaissées. Un vrai labyrinthe ! Un tunnel permet même de passer d’une vallée à l’autre. Là aussi, plusieurs sanctuaires menacent de s’écrouler. Vraiment dommage ! Au vu des dépenses pour la visite des différents sites, j’aurais mieux fait de prendre un pass pour la journée. Cela aurait été plus intelligent ! M’enfin ! Je fais ensuite un aller-retour pour découvrir rapidement Avanos. La vieille ville possède encore des maisons grecques blanchies à la chaux. Elle est également réputée pour ses poteries. Je ne m’y attarde pourtant pas, car il commence à faire noir. Il est temps de rentrer sur Göreme !

 2.-Les-cheminees-de-fees-de-la-vallee-des-Moines.jpg 

 

Dimanche 28 novembre : Visite de la Cappadoce 46,7 km)

  

 

 1.-Formations-rocheuses-a-proximite-de-Goreme.jpg

 

Je décide de rester une journée de plus à Göreme. En effet, cette belle région de la Cappadoce dispose d’une quantité impressionnante de sites intéressants. De plus, le soleil fait grimper la température extérieure à une vingtaine de degrés. Une belle journée en perspective ! Je monte à vélo la côte de l’avant-veille pour revenir sur Uchisar. La forteresse naturelle (le kale) est encore plus jolie sous les rayons lumineux matinaux. Je grimpe alors au sommet situé à plus de 60 mètres, pour jouir d’une extraordinaire vue sur toute la région. Les nombreuses aiguilles, cheminées de fées et autres formations rocheuses s’étalent à perte de vue. Le mont Erciyes, complètement enneigé, est même visible au loin. Je longe ensuite la magnifique vallée des Pigeons, pour rejoindre la route d‘Urgüp. Comme dans toute la Cappadoce, de nombreux pigeonniers sont creusés dans la falaise. En chemin, je bifurque vers Ortahisar pour découvrir un autre piton rocheux truffé de cavités. L’accès est malheureusement fermé pour cause de rénovation. Le village à l’écart des circuits touristiques est d’autant plus agréable. La route plonge ensuite vers Urgüp avec une pente terrible. Dans ce sens, c’est bien plus plaisant ! Ce sera beaucoup moins drôle, lorsque je la prendrai en sens inverse pour retrouver mon itinéraire ! Dominée par une haute falaise, la vieille ville possède plusieurs anciennes maisons grecques peintes à la chaux. Certaines tombent malheureusement en ruines. Je parcours ensuite la magnifique vallée de Devrent. Les nombreux éperons rocheux à la forme ondulante côtoient les cheminées de fées coiffées d’un rocher. Le paysage est à nouveau merveilleux, comme sorti d’un rêve ! Plus loin, je retrouve la vallée des Moines, afin de tirer quelques clichés sous la lumière du soir. En voyant le vélo, un guide du coin vient discuter avec moi. Il me propose gentiment le fameux thé turc. De retour à Göreme, je réitère le souper d’il y a deux jours dans le même restaurant. Le patron m’offre également le thé à la fin du repas. C’est sympa, mais moi qui n’en bois jamais en France, je vais finir par avoir une overdose !

 

2.-Cheminees-de-fees-a-proximite-d-Urgup.jpg 

 

Lundi 29 novembre : Göreme - Gölcük (58 km)

 

 1.-Le-cycliste-devant-le-site-de-Goreme.jpg

 

Je reprends mon itinéraire plus tardivement qu’à l’accoutumée. En effet, le déjeuner à la pension n’est servi qu’après 8 h. Je regrimpe ensuite cette côte terrible qui monte jusque Uchisar. C’est bien plus difficile avec un vélo chargé ! Un panneau indique une pente de 5 %, je l’estime à plus du double. Du moins au début ! A la sortie du village, je crève de la roue arrière. C’est la première fois depuis mon départ ! Une grosse épine s’est plantée dans mon pneu. Après la réparation, je retrouve la grande ville de Nevsehir. Puis, la route en direction de Nigde traverse une vallée, tout en s’élevant lentement. Cependant, rien de bien passionnant ! Je mange un morceau à la sortie de Kaymakli, à coté d’un silo à grains. Quelques kilomètres plus loin, Derinkuyu ne paye vraiment pas de mine. En effet, les habitations sont sales ou complètement délabrées. Le grand intérêt du village, c’est sa ville souterraine. De nombreuses galeries sont creusées sur plusieurs étages jusqu’à une profondeur de 80 mètres. Elle pouvait abriter jusque 10 000 personnes. On peut découvrir parmi les habitations une salle pour la cuisine, une étable, les puits d’aération et une église. Il y a vraiment de quoi se perdre ! De plus, les couloirs de liaison sont vraiment étroits. Mieux vaut ne pas être trop grand (tant pis pour moi !), ni claustrophobe ! La Cappadoce fourmille de sites intéressants. La vallée d’Ihlara me tente bien, mais cela m’oblige à faire un détour de plus de 100 km. Malheureusement, il faut faire des choix !A moins de passer plusieurs mois en Turquie ! Du coup, je reprends la route initialement prévue en direction de Nigde. Quelques kilomètres plus loin, juste avant le village de Gölcük, j’emprunte un sentier dans la campagne pour m’écarter de la nationale. Je plante la tente à côté d’une baraque, sur un tapis de feuilles mortes. Le froid s’installe tout autour du bivouac..2. Salle de la ville souterraine de Derinkuyu 

 

 

Mardi 30 novembre : Gölcük - Bereket 76,4 km)

 

 

 1.-Le-mont-Erciyes-derriere-la-steppe.jpg

 

Avant de reprendre la route, je contrôle mon vélo à cause d’un bruit suspect perçu la veille. En effet, la cage des roulements du moyeu de la roue arrière est complètement desserrée. La réparation me prend quand même une petite heure ! Après quelques kilomètres de pédalage, un vent contraire se lève d’un coup. Franchement, il y a de quoi péter les plombs ! La journée, qui devait être relativement tranquille, se transforme en véritable calvaire ! Je roule des kilomètres et des kilomètres, le nez dans le guidon. Le superbe paysage est voilé par une légère brume de chaleur. La steppe aride est coincée entre de hautes montagnes. A l’Est, les volcans Melendiz et Hasan ont leur sommet enneigé. Tout comme le majestueux mont Erciyes à l’Ouest ! Tandis que la chaîne montagneuse du Taurus se profile vers le Sud. Aussi, de nombreux paysans vendent leurs pommes de terre sur le bord de la route. A cause du peu de distance parcourue ce matin, j’arrive à Nigde assez démoralisé. Je mange un bout sur le seuil d’une maison, dans un quartier peu fréquenté. Depuis quelques temps, j’ai pris l’habitude de m’isoler pendant le repas du midi, afin de ne pas être dérangé par les nombreux curieux. La mosquée seldjoukide d’Alâaddin est perchée sur une petite colline, juste à côté de la tour de l’Horloge. D'un coup, deux autochtones m’invitent amicalement à boire du thé. Puis, c’est un jeune qui me propose de loger chez lui. Bref, il faut reconnaître qu’en Turquie les gens sont en général très accueillants. Par contre, certains me crient «tourist !» lors de mon passage, et ça c’est moins sympa ! D’autant plus que je m’identifie plus à un voyageur ou à un aventurier ! Après ce long intermède, il ne me reste plus beaucoup de temps pour visiter la ville. Je parcours les différents monuments assez rapidement, notamment la médersa blanche et le mausolée Hüdavend Hatun. Le plus curieux, c’est quand même l’étoile de David sur la façade de la mosquée Sungur Bey. Encore un dernier thé offert par un commerçant, et je peux enfin quitter la ville ! Par chance, le vent s’est enfin calmé. Après quelques kilomètres, je m’écarte de la nationale pour découvrir l’aqueduc romain de Tyana. Et bien, je cherche encore après ! Les indications sont vraiment très mauvaises. Plus loin, je rencontre trois bergers du coin, surpris que je veuille bivouaquer dans la steppe. Du sommet de ma colline, j’assiste à un magnifique coucher de soleil dans les montagnes alentour.

 2.-Les-montagnes-au-crepuscule--depuis-le-bivouac.jpg 

 

 

Mercredi 1er décembre : Bereket - Tekir (76,1 km)

 

 

 1.-Le-bivouac-dans-la-steppe.jpg

 

Je suis réveillé par le tintement des cloches des moutons qui errent autour de la tente. Les rayons du soleil matinal donnent une magnifique teinte rosâtre aux montagnes Melendiz Dagi et Hasan Dagi. La journée débute par l’ascension du col de Kolsuz qui culmine à 1490 mètres. La pente frôle par endroits les 9 %. J’atteins cependant le sommet assez facilement. Par contre, mon vélo tangue bizarrement de la roue arrière. Depuis la crevaison, j’enchaîne les pépins mécaniques ! Plus loin, le col de Caycavak à 1600 mètres d’altitude n’est qu’une simple bagatelle. Le dénivelé positif cumulé s’élève alors à un peu moins de 600 mètres. La route descend ensuite longuement dans une petite vallée, dominée par de hautes montagnes abruptes. Une brume de chaleur recouvre malheureusement ce splendide paysage. Je rejoins ainsi une grosse nationale, surchargée de camions roulant dangereusement à vive allure. De plus, le vent s’engouffre dans la vallée, ralentissant considérablement ma progression. Il s’accentue terriblement lorsque les montagnes se resserrent. C'est quand même bien rageant de devoir pédaler lorsque cela descend ! Au passage, un sympathique vendeur à l’étalage m’offre une pomme. Je pique-nique juste à la sortie du village d’Hasangazi, en bordure de la chaussée. En plus du chemin de fer, la route finit par longer quelques kilomètres plus loin une grosse autoroute. Je ne sais même plus situer le cours de la petite rivière ! Ce tronçon devient vite désagréable. Et c’est pas fini ! J’atteins Pozanti, une ville sans aucun charme, défigurée par de nombreux travaux. Elle est noyée dans un nuage de poussière, soulevé par le passage des routiers. Des centaines de camions stationnent en file indienne, au bord de la route. D’ailleurs, la plupart des commerces vendent des pièces pour poids lourds. Pas étonnant, avec tous ces véhicules en panne qui jalonnent la Turquie ! Bref, c’est l’horreur ! Autant dire que je ne traîne pas dans le coin ! A la sortie de la ville, la route se rétrécit. Et bonne nouvelle, la circulation a quasiment disparu, les routiers et les automobilistes préférant emprunter l’autoroute ! Par contre, je suis surpris de grimper à nouveau. En chemin, quelques chiens tentent bien de me courser. Ils s’arrêtent net après un petit coup de Dazer (un appareil à ultrasons). En cette fin d’après-midi, mes jambes ne tournent plus rond. De plus, cette pénible descente m’a mis un coup au moral. Je plante alors la tente dans une sorte de clairière, en surplomb de la route. L’endroit serait idéal, s’il n’y avait pas le bruit de la circulation autoroutière. Demain, je poursuivrai la grimpette !

 2.-Les-montagnes-au-sommet-du-col-de-Caycavak.jpg 

 

Jeudi 2 décembre : Tekir - Adana (105,9 km)

 

 1.-Le-cycliste-au-dernier-col-anatolien.jpg 

La route continue de monter jusque Tekir. Ce n’est pas vraiment ce qu’il y a de mieux pour démarrer la journée ! D’autant plus que certaines portions ont des pentes atteignant les 10 %. Un peu plus bas, les poids lourds sur l’autoroute peinent autant que moi. Enfin pour eux, c’est quand même beaucoup moins physique ! Les maisons colorées de la petite ville sont accrochées aux parois des montagnes. La jolie vallée est cependant défigurée par le gros axe routier. Puis, mon chemin s’en écarte pour gravir le col de Kandilsirti, à 1370 mètres d’altitude. En tout, j’ai regrimpé plus de 400 mètres de dénivelé ! La route plonge ensuite longuement vers Tarsus. A mon grand plaisir, cela n’arrête pas de descendre sur une bonne vingtaine de kilomètres. Les hauts sommets disparaissent petit à petit, laissant place à de petites montagnes couvertes de végétation basse et éparse. L’Anatolie, c’est bel et bien fini ! Juste avant le village de Tasobasi, je mange à l’ombre d’un olivier pour me protéger du soleil brûlant. Quelques détritus jonchent malheureusement le sol. Je traverse ensuite des collines arides, rognées par les bulldozers. Les camions soulèvent énormément de poussière à chaque dépassement. La route s’aplanit ensuite à l’approche de Tarsus, situé au niveau de la mer. Elle est bordée de vastes plantations d’orangers, de mandariniers ou de citronniers. Je renoue avec une circulation démente sur la nationale en direction d’Adana. De plus, les usines se succèdent les unes après les autres. Vraiment rien d’intéressant ! J’enchaîne alors les kilomètres pour me rapprocher de la grosse ville, qui renferme plus d’un million d’habitants. Puis, je cherche tant bien que mal un endroit pour planter la tente. Lors d’un aller-retour, un officier de la gendarmerie m’interpelle pour m’offrir le thé dans la caserne. La situation est assez amusante, tout le monde me questionne dans un charabia anglo-turc. Après de longues recherches, je trouve une petite plantation de citrons en bordure de la nationale. Le coin n’est cependant pas rassurant ! En effet un peu plus tard, trois jeunes viennent fumer quelque chose d’assez bizarre. Je reste alors discret pour ne pas me faire repérer. On ne sait jamais ! Du coup, je préfère attendre un moment avant de m’installer définitivement. De toute façon, il me reste toujours la solution de l’hôtel au centre-ville ! Finalement, je décide de rester sur place. On verra bien jusqu’à demain !

 


2.-Cactus-sur-le-bord-de-la-route-copie-1.jpg 

   3.-Les-collines-fertiles-avant-Tarsus.jpg

 

Vendredi 3 décembre : Adana - Kervansaray (86,5 km)

 

 Le-pont-romain-et-la-grande-mosquee-a-Adana.jpg 

 

La nuit a été considérablement moins froide, par rapport à celles passées sur le plateau d‘Anatolie. Ce matin, je ne me sens pas très bien, peut-être à cause du changement brusque d’altitude et de température. Je rejoins rapidement le centre d’Adana. La ville possède quelques belles mosquées (entre autres Ulu Cami et Yag Cami), disséminées dans des quartiers grouillant de monde. La gigantesque Sabanci Merkez Cami est plus récente. C’est la plus grande entre Istanbul et l’Arabie Saoudite. Un joli pont romain enjambe également la rivière Seyhan. Je poursuis mon chemin vers l’Est, sur la grosse nationale inintéressante. La circulation est toujours aussi dense. Certains camions me rasent de très près ! Ils sont complètement fous ! La chaleur est accablante, la température atteint même les 30°C. Sur les bas-côtés, de nombreux animaux gisent, percutés par les véhicules. Quel carnage ! La route dévie ensuite à travers de basses collines dénudées, pour éviter la petite chaîne montagneuse Nurdagi. Au loin, le château fort de Yilanlikale apparaît majestueusement sur son éperon rocheux. Depuis de nombreux kilomètres, je cherche tant bien que mal une boulangerie ou une petite épicerie pourme ravitailler. Seules un nombre incalculable de stations-service se succèdent au bord de la chaussée. On ne risque vraiment pas de tomber en panne d’essence, même si pour moi cela n'a pas grande importance ! A une heure déjà bien avancée, j’atteins Ceyhan pour faire mes achats. Contrairement à mes habitudes, je casse la croûte sur une table de la petite ville. Il ne faut pas cinq minutes pour être une nouvelle fois l’attraction du coin ! L’un cherche à discuter, puis un gamin me réclame de l’argent… Bref, pas moyen de manger tranquille ! Cela devient vite pénible ! En plus, des adolescents m‘insultent en quittant la ville. J‘emprunte ensuite une petite route plus au Sud, pour éviter le gros trafic routier. Elle oscille dans des collines parsemées de champs labourés. Quelques côtes me donnent d’ailleurs du fil à retordre ! Dans un village isolé, plusieurs gamins me jettent des cailloux sans m‘atteindre. A cause de tous ces petits incidents, le Sud de la Turquie m’est beaucoup moins agréable ! A l'inverse, un vendeur à l’étalage m’offre généreusement des kakis. Ce sont des fruits exotiques qui ressemblent à de grosses tomates. Au détour d’un virage, je retrouve enfin la Méditerranée dans la baie d’Iskenderun. Juste avant le village portuaire de Kervansaray, je plante la tente dans un champ fraîchement coupé, juste derrière un buisson. La mer se pare des couleurs chatoyantes du soleil couchant. C’est merveilleux !

 

 

Samedi 4 décembre : Kervansaray - Antakya (124,6 km)

 

 1. Lever de soleil dans la baie d'Iskenderun 

 

Au petit matin, j’assiste au lever du soleil dans la baie d’Iskenderun. Désormais, la route longe la côte, malheureusement polluée par quelques usines. Je traverse ensuite de larges plantations d’agrumes. De nombreuses personnes, surtout des femmes, s’empressent de cueillir les fruits. Au passage, je chipe deux oranges pour le dessert du midi. Je rejoins ensuite une nationale encombrée par de nombreux camions. En plus de la brume matinale, le paysage est noyé dans un nuage de poussière. Les villes traversées, comme Dörtyol et Payas, sont crasseuses. Le littoral est truffé en majorité d’usines pétrochimiques crachant leurs fumées polluantes. Par conséquent, une odeur nauséabonde flotte dans l’air. Tous les bâtiments sont sous haute surveillance. Il est d’ailleurs impossible d’accéder au rivage. C’est l’horreur ! Il me faut vite quitter cet enfer ! Fort heureusement, la route est relativement plate. C’est pourquoi, j’atteins rapidement Iskenderun. Soit plus de 70 km dans la matinée ! A la sortie de la ville, je pique-nique à l’ombre d’un gros panneau de signalisation. La route grimpe ensuite jusque 700 mètres dans le massif de Nur Dagi, en passant par le village de Belen. Les pentes atteignent par endroits les 10 % ! Pas facile, mais j’ai de bonnes jambes aujourd’hui ! Dans l’enivrante descente, la route zigzague sur une bonne dizaine de kilomètres. Ma vitesse de pointe flirte même avec les 60 km/h. Je passe ensuite au pied des montagnes pour rejoindre Antakya. De l’autre côté de la chaussée, les champs s’étalent à perte de vue. J’atteins la ville alors que la nuit tombe. Je décide de réserver une chambre dans le modeste hôtel Divan, afin de me décrasser après cette longue distance. «Je suis noir comme une gaillette !» comme on dit din ch’Nord ! Puis, je soupe copieusement dans un petit snack, tenu par un sympathique patron. Il m’offre d’ailleurs le café turc ! Après cette harassante journée, je m’enfile une…, et même deux bières bien méritées. Demain, il est possible que je franchisse la frontière syrienne. A suivre !

2.-Les-horribles-usines-dans-la-baie.jpg 

 

 

Dimanche 5 décembre : Antakya - Bab al Hawa (SYR) (55,2 km)

 

1. Maisons ottomanes d'Antakya

 

 

Dans la matinée, je parcours à pied la vieille ville d’Antakya. Il ne reste rien de l’ancienne cité romaine d’Antioche. Les ruelles sont bordées de vieilles maisons ottomanes, mêlées à des bâtiments de style français. En effet, la ville fut sous le protectorat de la France jusqu’en 1939. Malheureusement, de nombreuses habitations sont délabrées, et les rues principales sont en travaux. Le quartier renferme quelques édifices de religions différentes. Cependant, la mosquée Sermaye Cami, l’église catholique et la synagogue ont portes closes. On m’interdit également l’accès à l’église orthodoxe, à cause de la messe dominicale. Deux hommes finissent par se disputer sur la question. Scène assez loufoque ! De plus, les souks sont fermés ce dimanche. En résumé, je n’ai pas vraiment de chance ! A côté de la mosquée Ulu Cami, je m’attable dans une petite échoppe pour goûter du künefe. Il s'agit d'une pâtisserie locale fourrée de fromage fondu, et servie tiède. Pas mauvais du tout ! Aussi en Turquie, les hommes se baladent souvent enlacés. Cela surprend au début, mais c'est juste de la simple camaraderie. Je rejoins ensuite l’hôtel pour charger le vélo. A la sortie de la ville, la route traverse une plaine fertile complètement plate. Le soleil fait fondre le goudron de la chaussée en rénovation. Je pédale des kilomètres en respirant cette odeur nauséabonde. A l’heure du midi, je mange mes sandwichs quotidiens, à l’ombre des arbres d’une bâtisse isolée. A l’approche de la Syrie, mon itinéraire traverse des basses collines rocailleuses. De nombreux soldats sont postés sur des miradors pour surveiller la région. D'un coup, quatre jeunes Turcs en voiture m’arrêtent sur le bord de la chaussée. Les deux garçons me posent un tas de questions en anglais sur mon aventure cycliste. J’atteins ensuite la frontière syrienne. Les formalités administratives sont longues. Je passe d’un guichet à l’autre, car il semble que personne ne veuille traiter ma demande. Les chauffeurs routiers sont vraiment sans gêne ! Ils dépassent tout le monde, en vociférant des paroles incompréhensibles. Le policier vérifie mon passeport, et m’interroge sur mes futures destinations. Ne surtout pas divulguer mon intention de rejoindre Israël, sous peine de se voir refuser l’entrée dans le pays ! Finalement après une bonne heure d‘attente, j’obtiens le précieux tampon. On me laisse même passer, sans fouiller les bagages. «Welcome in Syria !». Le soleil commence à se coucher derrière les montagnes arides. J’installe alors le bivouac dans la pierraille, à quelques centaines de mètres de la frontière. Un nouveau pays s’ouvre à moi !

 2.-Le-cycliste-a-la-frontiere-syrienne.jpg 

 

Lundi 6 décembre : Bab al Hawa - Alep (70,5 km)

 1.-Le-monastere-de-St-Simeon.jpg 

 

Un troupeau de chèvres erre autour de la tente. Les gamins qui gardent les bêtes sont impressionnés par le vélo. Ce matin, les nuages gris couvrent le ciel. Par conséquent, la température a considérablement chuté en dessous des 10°C. Je reprends la route en direction d’Alep. A part quelques parcelles dégagées pour les cultures, le paysage reste assez rocailleux. Après plusieurs kilomètres, je bifurque plus au Nord pour rejoindre le monastère de St Siméon. Il est terriblement difficile de s’orienter, car les panneaux indicateurs sont majoritairement écrits en arabe. Fort heureusement, il y a toujours quelqu’un pour m’aider ! A l’approche de Daret Azze, la route se met à grimper fortement. Je fais une nouvelle fois fureur dans la petite ville. Des gamins courent gentiment à côté de moi. De nombreuses personnes me souhaitent également la bienvenue. Un peu plus loin, le monastère est perché sur une petite colline. La pente est fortement élevée pour y accéder. Datant du 5ème S, la magnifique basilique est composée des vestiges de quatre édifices disposés en croix. Pendant plus de 40 ans, St Siméon vécut sur une colonne qui s’élevait au milieu de la cour centrale. Je me balade autour du monument pour découvrir le baptistère et les sépultures des hauts dignitaires. Ces dernières sont creusées dans la roche, autour d’une crypte. Après la visite, je traînaille dans l’antique village abandonné de Deir Samaan, situé au pied de la colline. Je reprends ensuite la direction de Daret Azze. Dans une petite échoppe au bord de la chaussée, le tenancier Zacharie m’offre le thé et des galettes de pain. Une nouvelle fois, il est bien difficile de communiquer. Par contre, le football est un sujet qui reste universel ! Après la petite ville, la route pour Alep n’arrête pas de monter et descendre. Durant les premiers kilomètres, quelques pentes atteignent même les 13 %. Certes sur de courtes distances, mais difficile quand même ! Sur le parcours, j’emprunte un sentier en pierres pour accéder aux jolies ruines de la basilique de Mouchabbak. Cette fois, je reconnais avoir poussé le vélo jusqu’au sommet ! Le chemin est bien trop raide pour une bicyclette chargée ! Je rencontre ensuite des bergers de moutons, coiffés du traditionnel keffieh à carreaux rouges et blancs. J’atteins finalement la grosse agglomération d’Alep, avec une circulation démentielle. Je suis complètement perdu avec tous ces panneaux écrits en arabe. Plusieurs personnes m’aiguillent sur le quartier de Boustan Koulab. Je réserve alors une minuscule chambre à l’hôtel Zahert al Rabih, pour une modique somme. A proximité, je soupe un plat à base de mouton dans le restaurant Al Koummeh. Le cadre est forcément oriental, avec chanteur et musiciens. De plus le repas est copieux et délicieux ! Pour cette première journée, la Syrie m’a réellement émerveillé !2.-Berger-de-moutons-sur-la-route-d-Alep.jpg 

 

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commentaires

E
Puisque tu as découvert beaucoup de pays et de régions magnifiques, j’aurai une petite question. Si je devais choisir entre la Turquie et la Norvège, tu me conseillerais quelle destination pour les vacances ? J’ai dernièrement pris un prêt sur https://www.sofinco.fr/credit-pret/autres-prets.htm et il s’avère qu’il me reste une partie de l’argent. Je n’ai pas quitté ma province depuis 6 ans, et j’aimerais beaucoup voyager un peu. J’espère avoir de tes nouvelles bientôt, et bon courage.
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M
<br /> Salut Vincent,<br /> Merci pour ton mail.<br /> Ne t'inquiète pas trop pour les réponses individuelles, ton blog répond largement à notre attente. Passe de bonnes fêtes de fin d'année, loin de nous géographiquement mais très proche dans nos<br /> coeurs.<br /> Encore bravo pour ton courage que tu nous fais partager au travers de ton blog.<br /> Michel<br /> <br /> <br />
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V
<br /> Salut Vince,vraiment super ton blog c'est génial ce que tu fais.je regarde tes photos avec grand plaisir.Je te souhaite de bonnes fetes de fin d'année.Au plaisir de te revoir.Vince<br /> <br /> <br />
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R
<br /> salut vincent<br /> j espere que tout va babene for you (langage international je suis pas sur que tu reçois ce message suis pas balaise en informatique (et non pas bailleys !)<br /> bonne route et prends soin de toi no comment and see you later<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Salut grand frère !!<br /> On a été super content de passer ces quelques jours en Syrie avec toi. Tu dois surement être en Jordanie maintenant, peut-être que tu auras plus de chance qu'à Ohms de trouver la fameuse boisson...<br /> On espère que la musique accompagne désormais tes coups de pédales. Bonne route et surtout attention aux chauffards sur les routes !!<br /> Bises des touristes parisiens !<br /> <br /> <br />
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